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La fin du monde dans le zoroastrisme

Arda Viraz au pont Chinvat
Arda Viraz au pont Chinvat

CC BY-NC 4.0

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Religion de l’Iran ancien, toujours pratiquée de nos jours, le zoroastrisme possède une conception propre de la fin de toutes choses, qui n’est pas sans rappeler l’Apocalypse chrétienne. Constituant le dernier acte de l’affrontement entre les forces du Bien et du Mal, elle est caractéristique de la vision du monde zoroastrienne et de son dualisme.
 

Une religion dualiste

Un polythéisme ancien

Goshtasp et Zoroastre
Goshtasp et Zoroastre |

Bibliothèque nationale de France

Le zoroastrisme est une religion ancienne, qui fut la religion majoritaire dans l’Iran préislamique, jusqu’à la conquête arabo-musulmane au 7e siècle. Elle eut notamment le statut de religion d’État de l’Empire perse, sous la dynastie des Sassanides (224-651). Bien qu’ayant connu un déclin depuis cette époque, il s’agit d’une des plus anciennes religions encore pratiquées de nos jours. Elle possède un livre sacré, l’Avesta, qui contient des textes liturgiques, considérés comme les enseignements de Zoroastre (ou Zarathoustra), le prophète fondateur donnant son nom à la religion.

C’est une religion polythéiste avec un panthéon aux multiples dieux, dominé par une divinité suprême : Ahura Mazda. Mais le zoroastrisme se caractérise surtout par son dualisme : il est fondé sur une opposition radicale entre le Bien et le Mal. Ainsi, la divinité suprême Ahura Mazda incarne aussi le Principe du Bien et s’oppose à Angra Mainyu (ou Ahriman), le Principe du Mal.

La lutte du Bien et du Mal

Dans ce cadre, le Bien et le Mal se livrent une bataille incessante qui dure neuf millénaires. Cet affrontement a lieu à la fois dans les mondes spirituel (menog) et corporel (getig). Il culmine à la fin des temps lorsque le camp du Bien finit par l’emporter. Cette fin des temps achève la chronologie mythique millénariste et prend la forme d’une narration apocalyptique conçue comme la Rénovation Finale (frashgird) de l’univers.

Cette vision de la fin des temps est quasiment absente des textes sacrés de l’Avesta et n’est probablement pas aussi ancienne que le reste de la mythologie zoroastrienne. Elle partage de nombreux thèmes avec les eschatologies des religions voisines (judaïsme, christianisme…) et la question de son origine est encore débattue aujourd’hui.

Ardashir et Ahura Mazda
Ardashir et Ahura Mazda |

Photographie : Wojciech Kocot/wikimedia commons, CC BY-SA 4.0 / Domaine public

L’apocalypse zoroastrienne est décrite en détail dans plusieurs textes plus tardifs, rédigés en moyen-perse entre les 6e et 10e siècles de notre ère. Le plus connu de ces livres est le traité de cosmogonie du Bundahishn, qui relate la chronologie mythique zoroastrienne du début à la fin.

Retour aux origines

Pour bien comprendre la conception zoroastrienne de la fin des temps, il faut d’abord s’intéresser au mythe de la création du monde. Aux origines, le temps était infini et illimité et les deux Principes du Bien et du Mal existaient séparément, le premier dans la lumière, le second dans les ténèbres. Le Principe du Bien, omniscient, connaissait l’existence de son futur antagoniste et savait qu’il aurait à affronter Ahriman ; en revanche, ce dernier n’en savait rien.

Chronologie mythique zoroastrienne
Chronologie mythique zoroastrienne |

Conception : Augustin Herr ; graphisme : Marthe Aubineau / Bibliothèque nationale de France

Ahura Mazda créa alors le temps fini, une dimension chronologiquement limitée, d’une durée préétablie de douze millénaires, comme une bulle dans l’infini du temps illimité, dans laquelle il serait à son avantage et où il pourrait circonscrire le Mal. Dans cette dimension de « poche » temporelle, Ahura Mazda créa immédiatement le monde à l’état de menog, spirituel et non matériel, caractérisé par son immobilité.

Après trois millénaires, Ahura Mazda compléta son œuvre en créant le monde matériel, à l’état de getig. Ses créations étaient au nombre de sept, alors sous forme de prototype et dans un état de pureté et de perfection : le ciel, l’eau, la terre, la plante, l’animal, l’homme et le feu.

Trois millénaires passèrent encore, jusqu’à ce qu’Ahriman, jaloux de l’œuvre d’Ahura Mazda, déclenchât son Assaut, marquant l’intrusion du Mal dans la Création et générant un « État de mélange » entre Bien et Mal. Les créations prototypiques (principalement l’Homme et le Bovin primordiaux) furent tuées, leur mort engendrant les créatures dans leur multiplicité, désormais périssables et fragmentées. De son côté, le Principe du Mal engendra ses propres créatures sous la forme de démons ou autres créatures néfastes, destinés à servir son sombre dessein. Le début de la bataille entre les deux camps fut ainsi acté et s’enclencha une série d’événements qui verraient chaque côté prendre l’avantage à tour de rôle.

L’ère des loups passera et l’ère des moutons viendra.
 

Ayadgar-i Jamaspig, 16.54

Fin du monde et fin du temps

Le temps des épreuves

L’apocalypse zoroastrienne est présentée comme un récit structuré qui s’insère dans les trois derniers millénaires de la chronologie. Ces trois millénaires seront marqués par la venue des trois fils posthumes de Zoroastre, les trois Sauveurs. La fin des temps est donc pensée à travers le millénarisme, une attente messianique porteuse d’espoir.

Cette période voit se produire de nombreux bouleversements (invasions ennemies…) et désastres naturels (comme un hiver dévastateur) qui constituent des épreuves pour les zoroastriens mais sont aussi l’occasion pour les forces du Bien de vaincre les différentes manifestations du Mal. Ainsi, des phénomènes organiques tels que la maladie et la mort sont éliminés, mais le Mal prend aussi la forme de créatures monstrueuses comme un loup et un serpent géants qui sont successivement vaincus par les armées zoroastriennes menées par les deux premiers Sauveurs.

Intaille au cavalier combattant un monstre
Intaille au cavalier combattant un monstre |

Bibliothèque nationale de France

Le Jugement dernier

Quand tous les maux du getig sont éliminés, le récit apocalyptique entre dans sa phase finale. C’est le « millénaire » (qui dure seulement cinquante-sept ans !) du troisième Sauveur et fils de Zoroastre : Soshyans, celui qui va accomplir le rituel de la Rénovation Finale, au terme duquel tous les morts sont ressuscités et chaque homme reçoit son « Corps Futur » avant de faire face au Jugement dernier.

À ce moment, Soshans le fils de Zoroastre apparaîtra et, pendant trente jours et nuits, le soleil se tiendra à son exaltation dans les cieux.
 

Bundahishn, 33.41

Le Jugement dernier est une ordalie : tous les hommes, bons et mauvais, sont immergés pendant trois jours dans une rivière de métal en fusion. Pour les hommes justes, c’est une expérience agréable tandis que les pécheurs subissent eux la douleur du contact avec le métal incandescent, qui les purge de tout mal.

La fin du Mal

Parallèlement, les dieux et les démons livrent une ultime bataille à l’issue de laquelle toutes les créatures démoniaques sont détruites. Enfin, Ahriman, le Principe du Mal en personne, est vaincu de manière violente et définitive par Ahura Mazda.

Déterminée par une idéologie dualiste, cette fin montre que la relation entre le Bien et le Mal est agonistique (fondée sur des affrontements violents) et téléologique (définie par son but final) : celui d’une victoire absolue sur le camp adverse.

Intaille au combat du bien et du mal
Intaille au combat du bien et du mal |

Bibliothèque nationale de France

La Rénovation Finale

Le Mal étant défait, la Rénovation Finale a lieu et engendre un monde nouveau, réunissant le getig et le menog, où tous les hommes, devenus immortels, se trouvent dans un état de bonheur absolu pour l’éternité.

Il s’agit donc d’une doctrine de salvation universelle puisque ce ne sont pas seulement les zoroastriens qui sont sauvés mais bien l’ensemble de l’humanité, les pécheurs ayant obtenu la rédemption.

 Ahura Mazda le Seigneur frappera Ahriman, il l’assommera et le rendra inopérant, de telle manière que ni l’Esprit du Mal ni aucune de ses créations n’aura plus aucune autorité sur la terre.

Mah-i Frawardin roz-i Hordad, 36-37

Dans ce monde nouveau et parfait, cela constitue un retour à l’harmonie cosmique, une restauration de l’unité et de la pureté de la Création. Cette victoire totale du Bien sera la résolution du récit et le point final de la chronologie mythique millénariste. Elle marquera la fin du temps limité et le retour au temps illimité ; il s’agira donc de la fin d’un temps plutôt que la fin des temps.

Provenance

Cet article a été rédigé dans le cadre de l'exposition Apocalypse, hier et demain présentée à la BnF du 4 février au 8 juin 2025.

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