Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

Walter Scott, le père du roman historique

Walter Scott (1771-1832)
Walter Scott (1771-1832)

Library of Congress / Domaine public

Le format de l'image est incompatible
Walter Scott a longtemps été réduit à son roman populaire Ivanhoe (1819), lu dans des versions adaptées par toute une génération d'enfants. Ce serait négliger l'influence majeure qu'exerça l'inventeur du roman historique sur nombre d'auteurs en Europe, de Victor Hugo avec Notre-Dame de Paris (1831) jusqu'à Pouchkine avec La Fille du capitaine (1836). Traditionnellement surnommé le « Magicien du Nord », il est l'un des représentants majeurs du romantisme britannique.

Walter Scott, héraut de l'Écosse

Walter Scott voit le jour à Edimbourg, le 15 août 1771, au cœur d’une Écosse dont il sera le héraut sa vie durant. Suite à une maladie d’enfance qui le laisse boiteux, il passe quelques années dans les Highlands, chez ses grands-parents qui le bercent de contes et légendes gaéliques. Après des études de droit, il devient sheriff puis chancelier à la cour suprême d’Edimbourg. Marié en 1792, il aura quatre enfants. Pendant des années, il sillonne l’Écosse durant ses vacances, s’initiant à l’histoire du pays et collectant ballades anciennes et récits folkloriques, qu’il publiera en 1802-1803 (Les Chants de ménestrels de la frontière écossaise).

Walter Scott
Walter Scott |

Bibliothèque nationale de France

Abbotsford, résidence de sir Walter Scott
Abbotsford, résidence de sir Walter Scott |

Bibliothèque nationale de France

Walter Scott, imprégné de mythes celtiques et admirateur des premiers écrits romantiques (il apprend l’allemand pour mieux apprécier les jeunes auteurs germaniques) a des ambitions littéraires. Ses premiers textes, outre des traductions de textes médiévaux, sont des poèmes de style moyenâgeux : Le Lai du dernier ménestrel (1805) et surtout La Dame du lac (1810) qui lui apporte la notoriété. Mais bientôt la gloire du poète Byron occulte sa renommée, et il se tourne vers un genre où il peut donner sa pleine mesure, le roman.

La fiancée de Lammermoor
La fiancée de Lammermoor |

Bibliothèque nationale de France

En 1814, il publie anonymement Waverley qui décrit la révolte des habitants de Highlands contre les anglais en 1745. Son  succès l’encourage dans l’écriture de romans « écossais » : Les Puritains d’Ecosse (1816), La Prison d’Edimbourg (1818), Rob Roy (1818) ou La Fiancée de Lammermoor (1819). Il devient riche sinon célèbre (il ne reconnaitra qu’en 1827 être le « grand inconnu » auteur des Waverlay novels).

Walter Scott allie à la minutieuse exactitude des chroniques la majestueuse grandeur de l'histoire et l'intérêt pressant du roman ; génie puissant et curieux qui devine le passé.

Victor Hugo, Sur Walter Scott, 1823.

En 1819, il change d’époque et de lieux, sinon de style : son nouveau récit se situe à la fin du 12e siècle en Angleterre : c’est Ivanhoé, et sa gloire devient mondiale. Il s’en rend compte en 1826, lors d’un voyage à Paris où il obtient un triomphe et est même reçu par le roi Charles X. Sa production s’accélère encore : Le Monastère (1820), Quentin Durward (1823), Redgauntlet (1824), le Talisman (1825), Woodstock (1826), La Jolie fille de Perth (1828)…

Front-de-Bœuf et la sorcière (Ivanhoe)
Front-de-Bœuf et la sorcière (Ivanhoe) |

Bibliothèque nationale de France

En 1826, la faillite de ses éditeurs l’entraîne dans une spirale de dettes, et pour les éponger il écrit comme un forcené, notamment des essais (Vie de Napoléon, Histoire d’Ecosse). Il avait restauré un magnifique château à Abbotsford, dans lequel il vivait. Atteint de crises d’apoplexie en 1830, il s’y éteint le 21 septembre 1832.

Le père du roman historique

On considère généralement Walter Scott comme le créateur du roman historique. Non que ce genre n’existât pas. Mais ces récits se situaient dans des décors désincarnés, voire fantomatiques, n’ajoutant qu’une touche pittoresque à une narration où seule comptaient relations amoureuses et psychologiques. Avec Scott, le passé s’incarne.

Qu'est-ce que les romans de Walter Scott? De la tragédie romantique, entremêlée de longues descriptions.

Stendhal, Racine et Shakespeare, 1823.

Il décrit assez précisément les contrées, les sociétés, les peuples, les mœurs et les mentalités, remettant les évènements dans leur contexte historique et social. Ses descriptions didactiques (que d’aucuns lui reprochent), donnent à voir les objets usuels, la vie quotidienne et les lieux où se situe l’intrigue : l’Angleterre du 12e siècle (Ivanhoé) ne ressemble pas à la France de l’orée de la Renaissance (Quentin Durward). C’est le cadre historique qui conditionne le récit.

Steenie ou Redgauntlet poursuivi par un lutin
Steenie ou Redgauntlet poursuivi par un lutin |

Bibliothèque nationale de France

Wilfrid d’Ivanhoé
Wilfrid d’Ivanhoé |

Bibliothèque nationale de France

Ses intrigues suivent l’évolution des rapports de force de l’époque considérée : affrontement entre Louis XI et Charles le Téméraire (Quentin Durward), entre Saxons et Normands (Ivanhoé), entre Écossais et Anglais (Waverley), entre une bourgeoisie urbaine et une noblesse archaïque (La Jolie fille de Perth). C’est d’ailleurs une constante chez lui : montrer les luttes entre deux groupes, deux classes, se terminant toujours par un compromis et une fusion plus ou moins pacifique.

Richard surpris dans la forêt lutte contre ses agresseurs
Richard surpris dans la forêt lutte contre ses agresseurs |

Bibliothèque nationale de France

L’Enlèvement de Rebecca
L’Enlèvement de Rebecca |

The Metropolitan Museum of Art/ Domaine public, Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund, 1903

Une autre caractéristique est l’apparition dans le roman du peuple, qui a ses propres motivations, sa volonté, ses passions, souvent différentes de celles de l’élite. Pour rendre cette complexité compréhensible au plus grand nombre, Scott fait de chaque personnage la personnification de son milieu, de ses intérêts et de son idéologie. Le revers de la médaille est d’affadir la psychologie des protagonistes, devenus des archétypes.

Ivanhoé blessé
Ivanhoé blessé |

Bibliothèque nationale de France

L’intrigue amoureuse elle aussi passe souvent au second plan, encore que certaines relations soient plus embrouillées qu’elles n’y paraissent : Scott aime bien montrer les difficultés d’un homme tiraillé entre deux femmes (Ivanhoé, Waverley). Enfin, une des causes du succès est aussi le brio de la narration, avec ses aventures, ses batailles, son rythme et cette faculté de passer fréquemment du rire aux larmes, de la tragédie à la comédie.

Son influence dans toute l'Europe

Ce nouveau souffle qu’apporte Walter Scott au roman fait des émules dans toutes l’Europe : Manzoni en Italie, Pouchkine et Gogol en Russie. Cette vague touche particulièrement la France. Pratiquement tous les grands écrivains romantiques vont se mettre au roman historique : Alfred de Vigny, Prosper Mérimée, Honoré de Balzac, Victor Hugo, Alexandre Dumas, sans compter l’innombrable cohorte des auteurs maintenant oubliés.

Victor Hugo Le forçat des lettres
Victor Hugo Le forçat des lettres
Alexandre Dumas
Alexandre Dumas |

Bibliothèque nationale de France

Cette mode se tarit dans la deuxième moitié du 19e siècle. C’est la littérature populaire qui continue, jusqu’à nos jours, à porter haut le flambeau de ce genre. Ce qui dévalorise quelque peu la reconnaissance par ses pairs de Walter Scott, relégué jusque dans les années 1970 à la littérature jeunesse avec ses œuvres publiées dans des éditions abrégées, jusqu’à un renouveau récent des études universitaires.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017).

Lien permanent

ark:/12148/mmn7kt7hwjdrr